Je scrutais les pavés depuis trois minutes au moins. Enfin j’y étais revenue, sur ce lieu magique. Ils étaient gris et luisants, avec la pluie qui venait de tomber soudainement, déluge printanier, vif et violent, nous prenant tout le temps par surprise. Je levai les yeux. Le ciel était redevenu bleu, comme si rien ne s’était jamais passé, comme si les nuages et toute cette eau lourde et chargée de tristesse n’avaient jamais existé. Je baissai de nouveau la tête et continuai de scruter les pavés. Ils avaient pris une légère couleur bleutée avec la naissance du jour. Des lignes blanches se croisaient pour former des figures géométriques parfaites. Chaque fois je ressentais la même émotion, chaque fois je n’en revenais pas d’être là, songeant à mes cours d’histoire de terminale. Si on m’avait dit un jour que j’habiterais dans cette ville je ne l’aurais jamais cru. Une énergie se dégageait ici, une force telle qu’elle me renvoyait aux défilés de temps pas si anciens. Les pas lourds des soldats qui foulaient ces mêmes pavés, les chars gris et massifs qui entraient dans un vacarme glorieux et vainqueur. En m’approchant plus avant, c’est alors que je la vis, légèrement en contrebas, la belle et bienheureuse qui semblait rester campée sur sa position, depuis qu’un terrible tyran l’avait voulue, symbole de l’une de ses victoires. Fière et colorée, elle ressemblait étrangement à un gâteau de fête et on aurait dit en la voyant qu’elle avait été posée là, comme par inadvertance. Ses bulbes scintillaient vers le firmament et bientôt des voix s’élèveraient de ses persiennes, des voix d’hommes, mais qui en se mêlant feraient naître des sons cristallins. J’entendis des pas et je sursautai en découvrant un homme en complet gris avec un imperméable beige, chauve sous sa casquette, qui marchait, déterminé. Je me crus un instant transportée dans un roman de John Le Carré des années 50. C’est qu’il n’y avait pas grand monde à cette heure. Je commençai à faire demi-tour quand un groupe de femmes attira mon regard. Elles entraient dans l’immense bâtisse à ma droite, passant sous le porche que surveillait un garde assoupi. Sans doute des vendeuses. Je décidai de m’en aller, la magie s’étant perdue avec la nouvelle arrivée d’un essaim de touristes matinaux bruyants. Je levai les yeux une dernière fois vers les étoiles rouges qui surplombaient les sommets des tours du château du Maître du pays et je repartis. Je reviendrais quand elle serait à nouveau vide. Sa magie réapparaitrait alors et m’enchanterait encore et encore.
Valérie Chèze, septembre 2020
Oui, je prends rendez-vous car je veux en savoir un peu plus
Une première rencontre en visioconférence pour faire connaissance
et évaluer vos besoins.
Le temps d’un clic et j’écris pour vous !