Interview Virginie Grussaute

Interview Virginie Grussaute

Vir­ginie a changé de méti­er en devenant tapis­sière. Elle nous racon­te son parcours. 

Client : Vir­ginie Grussaute

Date : févri­er 2020

Virginie Grussaute

Des archives aux tissus, un bel exemple de reconversion 


Après des études d’histoire et de documentaliste, puis un emploi chez Total pendant une vingtaine d’années, Virginie a suivi son époux en expatriation, en Ecosse, en Australie et en Russie. Fondatrice de L’Atelier Virginie Grussaute, elle vient de rentrer en France.

Comment naît l’idée de changer de voie professionnelle ? 

Quand je suspends mon contrat lors de notre première expatriation, je me pose la question de trouver une activité professionnelle qui me permette de travailler partout. J’ai eu l’occasion de découvrir le métier de tapissier dans l’association Pau métiers d’art, j’ai refait quelques sièges, et cela m’a bien plu. Soudain le déclic se fait : quand nous nous installons dans le Béarn, entre deux expatriations, je passe un CAP dans une école du bois et de l’ameublement et je deviens diplômée.

« A Moscou je sens une vraie créativité » 

Bravo pour cette belle reconversion. C’est à ce moment-là que vous partez à Moscou ?

Oui et une fois l’installation terminée, je me dis que j’aimerais garder la main sur mes apprentissages, tout en me demandant comment trouver les matériaux, moi qui avais appris sur du traditionnel. Je m’aperçois rapidement que mes clients seront les expatriés, qui n’ont pas forcément emporté leurs fauteuils, et que refaire du siège sera compromis. En revanche, à Moscou je sens rapidement une vraie créativité, grâce à des personnes comme Salvina et Maud. Je commence à faire de la couture d’ameublement avec des coussins, des trousses, des housses, d’abord chez Corinne Ruiz dans son atelier De fil en aiguille, puis chez moi où je crée mon propre atelier. 

Virginie, est-ce à moment-là que vous créez votre marque ?

Au départ je crée une première marque, Charivari. Je ne dépose pas le nom et quelques années plus tard, au moment de formaliser les choses, ce nom sera pris par d’autres. Je décide de garder mon logo, je crée l’Atelier Virginie Grussaute et l’aventure commence.

Vous avez évoqué la difficulté de trouver des matériaux. Quels sont vos fournisseurs ?

Une décoratrice russe me conseille des sites, qui deviennent ma référence pour tous les matériaux. Par contre je rapporte les tissus de France. C’est toujours un vrai plaisir de chercher des nouveautés et je reviens les valises pleines à chaque fois.

« Je suis dans une démarche de développement durable »

Attachez-vous de l’importance à la qualité des matériaux ?

Avoir des tissus d’éditeurs ou de créateurs permet d’avoir des sièges de qualité, avec une bonne densité de tissu. Je suis également dans une démarche de développement durable : je donne une seconde vie aux sièges et je cherche des tissus qui ne viennent pas forcément du bout du monde. 

En Russie puis en France, comment se déroulent vos journées ?

A Moscou je suis très entourée et mes copines sont toujours encourageantes. C’est très valorisant ! La maison s’est transformée en show-room et il y a tout le temps du monde. Cela se fait naturellement et c’est très chouette. J’ai aussi l’occasion de faire une première vente à l’Ambassade de France, lors de l’exposition des créateurs. Quand je rentre en France, c’est difficile car tout d’un coup, il n’y a plus personne. Je retourne à la case départ et je dois reconstruire mon réseau, ce qui est un peu frustrant après avoir connu la gloire et la facilité {rires} ! Les premiers temps je suis contente de faire mon petit atelier à la maison, de travailler dans le calme mais au bout d’un moment je n’en peux plus. J’ai besoin de retrouver du monde pour pouvoir parler et échanger. Aujourd’hui j’ai un vrai statut d’auto entrepreneur, j’ai réintégré l’atelier dans lequel j’avais fait des stages, que je partage avec une copine tapissière. Cela me permet de me remettre à jour sur les techniques et de retrouver de l’échange et du dynamisme car il y a du passage. Je vois des commandes arriver au fur et à mesure, surtout pour les sièges, et c’est intéressant car cela demande du temps et cela a un prix. 

Interview Virginie Grussaute

« Moscou m’a donné une énergie considérable »

Virginie parlez-moi de vos concurrents ?

En Russie il y avait un petit décalage entre les goûts des Russes et des Français et je n’avais pas vraiment de concurrents. Il y avait de la place au niveau création pour tout le monde. Comme mes copines adoraient la déco, elles m’ont fait partager leurs idées et nous nous sommes fait plaisir ensemble. Je ne suis pas certaine que j’aurais continué ailleurs qu’en Russie. Moscou m’a donné une énergie considérable. Les commandes se sont enchaînées et je ne me suis pas arrêtée. C’était très fluide. En France, c’est différent. Mes concurrents sont les tapissiers locaux et les créateurs d’accessoires textiles sur le web, qui sont nombreux. Il faut se faire connaitre par le bouche-à-oreille, en étant présent sur les réseaux sociaux, en faisant des marchés de créateurs. C’est beaucoup plus lent et plus calme, il faut être persévérant, surtout en province. Je suis contente d’avoir vécu cette expérience à Moscou quelques années. Cela m’a donné l’impulsion nécessaire pour me lancer.

Quand vous avez appris votre retour en France, comment l’avez-vous anticipé professionnellement ?

J’ai anticipé mon retour en créant mon site internet. J’aurais pu profiter davantage de Moscou les derniers mois mais je me suis plongée dedans et penser à « l’après » m’a portée. J’ai fait la formation d’Emilie Digital AgencyFormation Easy-ecommerce — Réussir votre E‑shop. Cela m’a permis d’organiser et de structurer mon projet, puis de rencontrer la webmaster avec laquelle j’ai réalisé l’architecture du site et la boutique en ligne. C’est une très belle vitrine pour la partie siège et une fenêtre ouverte sur l’e‑commerce. Cela demande un travail régulier mais chronophage de mises à jour sur le web et d’animation sur les réseaux sociaux. Je dois m’organiser pour garder du temps pour l’essentiel qui m’anime : la créativité et mon travail à l’atelier. 

« Garder une organisation et un rythme de travail »

Quelle principale difficulté avez-vous rencontrée ?

La principale difficulté est de se retrouver toute seule et de recommencer à zéro, tout en gardant une organisation et un rythme de travail. L’été dernier j’ai passé beaucoup de temps en formation, à la Chambre des Métiers. A la rentrée, je ne me suis pas inscrite dans les associations de parents d’élèves malgré les appels du pied. Aujourd’hui mon organisation est calée : je me rends trois fois par semaine à l’atelier et le reste du temps je travaille à la maison dans mon atelier, en gérant également les réseaux sociaux et mon site. 

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Avez-vous rencontré des freins ?

C’est très simple : que ce soit à Moscou ou à Pau, mon temps de travail est limité. C’est moi qui gère les enfants et ma journée est terminée à partir de 16 heures, sans compter les mercredis et les vacances scolaires. Nous avons fait ce choix pour que tout se passe bien et pour le moment mes jumeaux sont ma priorité. Je vis mon projet à long terme. Les enfants vont grandir et je vais pouvoir dégager davantage de temps. 

« J’aime travailler dans le plaisir »

Virginie, que vous a apporté ce nouveau métier ?

Je suis passée d’un métier de documentaliste, très immatériel, où je ne voyais pas les résultats de mon travail, à un métier très concret, très satisfaisant. J’adore la déco, j’aime beaucoup les tissus. Dès que je vois un siège, il faut que je le retourne, que je regarde comment il est fait. J’aime travailler dans le plaisir et j’ai vraiment besoin de garder cette passion et cette flamme pour me motiver au quotidien. Je veux continuer à découvrir de nouvelles techniques pour avancer dans ce métier et progresser. 

Quels sont les bénéfices de vos années d’expatriation ?

Nos années d’expatriation ont été extrêmement positives pour toute la famille. Nous avons vécu des choses ensemble ailleurs et je trouve ce sentiment très fort. Chacun en a retiré des choses différentes : pour les enfants c’est les copains et certaines activités, pour nous ce sont des rencontres extraordinaires. En France nous n’aurions pas eu l’occasion de rencontrer autant de monde et c’est aussi cela qui donne toute cette énergie. Quand nous rentrons en France, tout est différent mais nous savons que nous pouvons également vivre autre chose, qu’il y a de l’ailleurs et d’autres perspectives. Je pense que d’ici quelques années nous aurons envie de repartir.

« Rester ouvert »

Quel conseil donneriez-vous à une femme qui quitterait un emploi pour suivre son conjoint en expatriation ? 

L’idéal est d’avoir un projet et d’y penser un petit peu avant. C’est aussi le bon moment pour faire autre chose. Des copines ont fait des formations à distance qui leur ont permis de réfléchir, de se poser et de se demander ce qu’elles aimeraient faire. Certaines ont souhaité rester dans leur domaine d’activité mais ce n’est pas toujours possible. Trouver autre chose est finalement une formidable opportunité pour entamer une seconde vie professionnelle. Et c’est d’autant plus vrai pour les générations actuelles, qui ne travailleront plus toute leur vie dans la même entreprise.

Comment envisagez-vous l’avenir ?

J’ai envie de poursuivre mon projet, de continuer à développer mes compétences au niveau du siège, en contemporain et en traditionnel. J’adore me former, j’aime le côté créatif et je développerai certainement de nouvelles techniques en me renouvelant, en découvrant de nouveaux tissus, en innovant. Je suis notamment intéressée par plein de nouveautés en cannage et en tressage.

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Quel sera votre dernier mot ?

J’aime bien regarder ce que j’avais fait et comment je l’avais fait. J’ai évolué dans mes goûts et dans mes techniques. Finalement la création c’est l’air du temps et l’important est de rester ouvert. Oui, rester ouvert, c’est cela qui nous fait avancer et qui nous porte.

Interview menée et rédigée par Valérie Chèze, Le temps d’écrire, février 2020

Vous êtes prêt à vous lancer ?

Oui, je prends ren­dez-vous car je veux en savoir un peu plus

Une pre­mière ren­con­tre en visio­con­férence pour faire connaissance 

et éval­uer vos besoins.

Le temps d’un clic et j’écris pour vous !