Fleur-Ève Le Foll - Interview Le Temps d'écrire

Interview Fleur-Ève Le Foll

Fleur-Ève part en expédi­tion à vélo au Groen­land. Elle nous racon­te sa préparation.

Client : Fleur-Ève Le Foll

Date : févri­er 2020

Entrepreneure à la ville, Fleur-Ève Le Foll part 

cette semaine en expédition à vélo au Groenland


Fleur-Ève Le Foll, mariée et maman de deux enfants de 7 et 9 ans, est entrepreneure dans le domaine de l’apprentissage et des nouvelles technologies. Expatriée depuis une dizaine d’années, elle vit aujourd’hui à Moscou. Du 4 au 14 mars 2020, elle participe à une expédition au Groenland où une équipe de femmes tentera de relier en fat bike, le Mont Russell à la ville de Sisimuit sur la côte Ouest. Nous l’avons rencontrée deux semaines avant son départ. 

Fleur-Ève, nous sommes à J – 17, quel est votre état d’esprit du jour ?

Je suis dans l’action et concentrée. En plus de travailler et de m’occuper de ma famille, j’ai intensifié mon entraînement et mis des actions en place au bénéfice de UNWomen avec l’aide de la communauté. Je regarde parfois la température à Kangerlussuaq, notre aéroport d’arrivée au Groenland, et je frémis en lisant — 30 °C, ressenti – 40 °C, en me demandant comment je vais faire pour respirer dans l’effort.


À quoi avez-vous pensé ce matin en vous levant ?

« Aaargh non, je vais encore souffrir, je n’ai pas envie ! » Ce matin, j’avais une séance de High Intensity Interval Training, avec ma coach Cathy Roux. Le cardio intensif, j’ai conscience que c’est nécessaire mais chaque séance est un effort. J’enfourche aussi mon vélo pour 20 à 30 km par jour et je monte les étages à pied. J’ai pris 6 kg, du muscle je présume {rires}, mais je ne sais pas si mon corps est réellement prêt pour ce challenge de 6 jours. 

« J’ai pris ma décision en 24 heures ! »

Comment avez-vous eu l’idée de partir ? 

Je crois que c’est une accumulation de petits signes, de partages, qui engagent à un moment à faire le pas. J’étais en mode réflexion et j’avais envie de passer en mode action avec un challenge qui puisse m’émerveiller. 

Comment avez-vous connu l’organisation de cette expédition ?

Une amie de Singapour avait traversé l’Atlantique à la rame et était partie au Vietnam avec HER Planet Earth. J’avais participé à sa levée de fonds au bénéfice de UNWomen et elle m’a donné envie de vivre une expérience similaire. Elle m’a présenté Christine Amour-Levar, la fondatrice d’HER Planet Earth, une personne engagée et passionnée, qui travaillait sur différents projets de voyage dont le Groenland. Je voulais déjà y aller pour notre voyage de noces, mais nous sommes partis à Chypre. J’ai pris ma décision en 24 h. J’en ai seulement parlé à mon mari une semaine après, une fois le questionnaire santé rempli. Nous prenons les grandes décisions ensemble habituellement et là, je ne l’ai étonnamment pas inclus. Sa réaction a été très simple : il a dit d’accord et noté les dates dans son agenda.

« J’aime les expéri­ences et les extrêmes qui me sor­tent de mon quotidien »

Êtes-vous une grande sportive ?

J’ai pratiqué le golf à un niveau de championnat mais je ne ressens pas encore de manque si je n’ai pas ma dose de sport ! En revanche, j’aime les expériences et les extrêmes qui me sortent de mon quotidien, qui développent le corps et enrichissent l’esprit et le cœur. J’ai toujours été attirée par les déserts rouges, jaunes et blancs. A la fin de mes études à Sciences-Po, je suis partie en sac à dos seule au Japon pendant deux mois. Ce simple voyage touristique s’est transformé malgré moi en périple philosophique et s’est révélé un moment clef de ma vie.

Comment va se dérouler cette expédition ?

C’est la première fois qu’une équipe composée exclusivement de femmes va tenter ce challenge : parcourir en six jours 220 km à vélo sur la neige et la glace par une température comprise entre — 10 °C et — 30 °C. Enfin ça c’était la température annoncée au moment de m’engager en avril car en ce moment il fait — 36 °C ressenti — 48 °C {rires}. Nous récolterons des fonds pour UN Women qui mettra en place des actions au bénéfice de communautés féminines victimes du réchauffement climatique. Je quitte Moscou le 4 mars pour Copenhague où je rejoins mes neuf autres équipières, de différentes nationalités. Le premier soir nous serons briefées par le guide de notre expédition, Paul Spackman, ancien officier de l’Armée Britannique. Le lendemain, nous nous envolerons pour Kangerlussuaq où nous partirons du glacier Russell pour une journée de 26 km à vélo. Le 6 mars, ce sera 60 km. Si tout se passe bien, nous arriverons à Sisimuit le 10 mars après 220 km à vélo. Nous allons longer le Cercle Polaire Arctique, un parallèle qui tourne autour du Pôle Nord. Nous dormirons parfois dans une hutte, parfois sous la tente. 

Interview Fleur-Ève Le Foll - Le temps d'écrire

Combien coûte une expédition comme celle-ci ?

Cette expédition coûte environ 13 700 euros : 7 500 euros de frais d’organisation logistique sur 11 jours via la société Secret Compass, 330 euros d’avion Moscou Copenhague, 500 euros de location de fat bike au Groenland, 4 000 euros de frais de matériel et 1 200 euros pour la préparation physique. C’est clairement le cadeau d’une vie ! Mon sponsor Sport Marafon m’a permis d’économiser entre 20 et 40 % sur les frais de matériel. J’ai également mis en place des actions avec l’aide d’une incroyable communauté. Ces actions ont permis de lever des fonds dont 70 % seront reversés à UN Women et 30 % participent au financement d’une partie de mon matériel. À ce jour, nous avons levé 6 700 euros net, dépenses déduites. 

Comment vous êtes-vous équipée ?

Nous allons utiliser des fat bikes, des vélos aux roues très larges conçus pour rouler sur la neige, le sable et la boue. Je me suis achetée un baby fat bike pour m’entraîner. L’une des difficultés consiste à adopter la vitesse appropriée au dénivelé pour ne pas patiner sur la neige, tout en essayant d’inspirer par le nez et en expirant par la bouche en cas de température très froide. En raison du manque de neige à Moscou, à vélo, j’ai tendance à aller de plus en plus vite pour faire travailler mes muscles. Là-bas, je pense qu’il me faudra réguler mon effort, en respirant plus calmement pour moins transpirer. J’ai suivi des séances de méditation et acquis des gestes utiles. Enfin, j’ai passé quelques journées en magasin avec les équipes de Sport Marafon, qui est un peu notre Au vieux campeur à Moscou. Ce sont des passionnés, qui eux-mêmes partent régulièrement en expédition. 

« La levée de fonds : un véritable projet d’intelligence collective »

Pouvez-vous nous en dire davantage sur votre levée de fonds ?

Un véritable projet d’intelligence collective s’est mis en place. Fin août, j’ai réalisé que la décision avait été simple à prendre mais que la planification le serait beaucoup moins. J’ai réalisé que cela allait être difficile de faire tout ça toute seule. J’ai alors songé à la fabuleuse communauté du réseau Work in the city, dont je suis membre. Je leur ai demandé un créneau pour intervenir en marge de la conférence de l’Ambassadeur de France, Madame Sylvie Bermann. Elles ont accepté sans hésiter. En deux minutes chrono, j’ai fait quelque chose qui n’était pas traditionnel : j’ai partagé sur mon expédition et lancé un appel en donnant mon numéro de téléphone aux gens présents dans la salle. Je leur ai demandé d’ouvrir leur WhatsApp et de taper 1 pour brainstormer ensemble sur un plan d’actions de levée de fonds, 2 pour me mettre en relation avec des équipementiers et 3 pour s’entraîner sportivement avec moi, sur un vélo ou autrement. Et là, quelle surprise en revenant m’asseoir, 26 personnes m’avaient répondu. Et c’est à partir de ce moment que j’ai commencé à organiser les choses. Les actions se sont construites autour des passions et expertises des personnes qui m’entouraient. J’étais de nouveau dans l’action, je n’étais plus toute seule, c’était parti. Le lendemain de cette soirée, une personne de Work in the city me proposait une sortie à vélo et deux semaines plus tard une autre animait le brainstorming. C’est avec mon fils que j’ai fait ma première sortie de 19 km. Puis je me suis entraînée au fil des mois, souvent toute seule, parfois accompagnée, mais toujours dans un parc et en partie le long de la Moskova. 

Fleur-Ève Le Foll - Interview Le Temps d'écrire

Avez-vous lancé d’autres actions ?

Nous avons ensuite préparé une vente de photos, qui a eu lieu dans le showroom de Carré Russe. L’idée était de présenter une sélection de photos sous forme d’un collectif, sans distinction d’une photographe à l’autre. L’exposition a eu un franc succès et l’une de mes amies a même vendu une photo d’1,20 m. Elle n’en revenait pas. Nous étions toutes complètement excitées pour elle. Dans une démarche écologique, sur l’idée d’une autre participante au brainstorming, nous avons aussi organisé plusieurs ateliers d’emballage tissu avec l’équipe du blog de partage Moscou Terre. Entre la France et la Russie, grâce à une équipe incroyable, nous avons aussi vendu 230 cache-cous au logo de Guidon Givré. Enfin, comme je voulais vivre un moment physique et froid ensemble à Moscou, nous avons organisé notre propre flashmob. Celui-ci a été chorégraphié par une amie passionnée de danse et pleine d’énergie et s’est déroulé devant l’entrée majestueuse du Parc Gorky. Ce fut 3 min 31 de pur bonheur, 78 personnes dansant sur la chanson russe Банд’Эрос — Дай Пять.

Demain, avec l’aide de cinq enseignantes de l’Ecole Ivan Bounine, nous organisons des rencontres avec les élèves. Les thèmes tourneront autour du réchauffement climatique, du Groenland, de l’égalité homme femme et du dépassement de soi-même. Enfin, une adolescente a également proposé d’organiser un atelier de cuisine pour une douzaine d’enfants. 

Fleur-Ève, avez-vous une page Facebook dédiée ? 

Oui, vous pouvez nous suivre sur notre page Guidon Givré. Le nom a été trouvé lors d’un brainstorming familial avec mon mari et mes deux enfants, et le logo a été brillamment conçu par une étudiante en design. 

Guidon Givré - Interview Fleur-ÈVE le Foll - Le temps d'écrire

Quelle belle énergie ! Quel conseil vous a marquée ?

J’ai réalisé que j’allais dans le grand froid quand un ami m’a raconté son marathon du Baïkal dans la voiture en allant chez Sport Marafon. Il a couru six heures durant dans la neige, sur la glace et par une température avoisinant les — 20 °C. Le soir il est rentré à son hôtel avec un début de nécrose à une narine. L’année précédente, un autre participant avait perdu quatre dents. Là je me suis dit : « Ah ouais quand même ! Il n’y a pas moyen que je rentre sans mes doigts et sans mes dents ! ». Je me suis aussi achetée des gants munis d’une sorte de moufle rétractable avec compartiment à chaufferette. Les conseils de base seront de limiter la surface de peau découverte et de mettre ma cagoule

« La difficulté principale est de ne pas savoir si je suis prête »

Avez-vous rencontré des difficultés ?

Je me sens mieux physiquement grâce aux entraînements sportifs hebdomadaires de Cathy, je me sens plus puissante sur le vélo, j’ai arrêté de fumer mais la difficulté principale est de ne pas savoir si je suis prête. Quand j’ai annoncé il y a six mois que je partais, on m’a dit « Bravo, c’est génial ! » alors que je n’avais encore rien fait. Je me sentais un peu dans la peau d’un imposteur. Aujourd’hui, l’échéance arrive et quand on me demande si je suis prête, là aussi je ne sais pas quoi dire. Quand je me suis engagée en avril 2019 je pensais pouvoir m’entraîner dans des conditions difficiles mais habituelles pour Moscou, par — 15 °C, — 20 °C, dans la neige, dans le froid et avec le vent. Or je n’ai pas eu ces conditions : cet hiver je suis sortie une fois par — 15 °C, une fois par — 7 °C et aujourd’hui il fait + 6 °C. C’est cela ma première difficulté et elle a beaucoup de sens. Je participe à cet événement pour jeter un voile de lumière sur le réchauffement climatique et j’en ai été victime lors de ma préparation. Moscou a connu son hiver le plus doux depuis 1886, avec pratiquement dix degrés au-dessus des normales saisonnières.

Verriez-vous une autre difficulté ?

C’est plutôt un clin d’œil. Il s’agit de la logistique du matin pour partir à vélo ! C’est comme se préparer à sortir un bébé, cela prend au moins un quart d’heure. Cela dépend s’il pleut ou s’il neige, si j’ai un rendez-vous professionnel, si j’ai envie de tourner des images avec ma GoPro ou d’enregistrer mon périple sur ma montre. Je dois choisir les chaussures, le pantalon, le sous-pantalon, la couche de base, la surcouche, la deuxième couche, la troisième couche, les gants, les sous-gants, en fonction de la température. Je dois vérifier si les batteries de ma montre et de mes lumières ont été rechargées, si j’ai le bon bracelet qui absorbe la transpiration, si je prends les lunettes ou le masque, si je mets un bonnet ou un bandeau. Je n’ai pas encore testé la cagoule car il fait trop chaud. À la fin, enfin habillée, il me reste à récupérer les clefs, déjà en nage d’avoir dû chercher mes lampes. Je ferme la porte, déverrouille le cadenas et programme Yandex Map (pour m’indiquer la route à prendre) sur mon téléphone que je glisse dans une poche plastique sur mon vélo. 

Fleur-Ève Le Foll - Interview Le Temps d'écrire

Fleur-Ève vous êtes admirable ! Et vos enfants, comment vivent-ils tout cela ?

Je fais attention aux mots que j’utilise devant eux. En effet j’ai réalisé qu’ils pouvaient être un peu stressés par cette absence, notamment ma fille de 7 ans. Le Groenland, le froid, ils me voient m’absenter de la maison pour les entraînements, habillée presque comme une cosmonaute. Ils comprennent qu’il va se passer quelque chose d’un peu spécial. Ma fille m’a confectionné des gris-gris qu’elle a elle-même accrochés aux fermetures éclair de mes deux sacs, j’adore ! 

Avez-vous spécialement réorganisé votre emploi du temps ?

J’ai changé mon organisation de travail pour m’entraîner tout en optimisant mon temps. Je vais dans un espace de co-working qui m’oblige à faire 20 km par jour et à passer par le parc de Neskuchny, aux nombreuses montées et descentes, là où les Moscovites vont faire de la luge. 

« Pour se lancer un défi : juste commencer à faire un pas »

Quel conseil donneriez-vous à une femme qui souhaiterait se lancer un tel défi ?

J’ai dit oui à cette expédition en 24 heures, sans avoir pleinement conscience de ce qui m’attendait. J’avais juste très envie de le faire. Je suis une femme ordinaire qui va faire quelque  chose qui sort un peu de l’ordinaire. Cela m’a demandé six mois de préparation. La vie est une sinusoïdale, avec des moments plus ou moins faciles et il faut juste faire un pas, un petit pas, vers ce qui nous fait envie. Et le faire pour nous, en tant qu’être humain, sans forcément, pour une fois, penser à sa famille en priorité. Il est important d’être en phase avec soi-même. Ce petit pas apporte un volume d’informations, un volume de sensations, qui amène à un deuxième pas, qui sera peut-être un pas de travers, peut-être un pas en arrière, peut-être un pas chassé, mais en tout cas un pas. Je travaille d’ailleurs aujourd’hui sur un projet de start up dont la mission vise à transformer l’intention en action. 

Quel est votre sentiment, là maintenant ?

J’ai imaginé de nombreux scenarii tout en sachant qu’il y aura des imprévus. Ma force réside en ma capacité à m’adapter, que la vie en expatriation m’a aidé à développer. Je ne me projette pas tout à fait car je suis encore dans l’action de la levée de fonds. Je viens d’ailleurs de trouver un nouveau sponsor, le fabricant de montres russes Raketa. Je vais tester en condition une montre 24 heures qui permet d’être utilisée durant la nuit polaire. J’adore leurs montres au mécanisme automatique sans pile. Les contacter avait pour moi beaucoup de sens et j’avais très envie de promouvoir des marques russes. Je suis également heureuse de compter sur les communautés internationales : Work in the city MoscouLas damas latinasUN WomenHER Planet Earth

Merci Fleur-Ève et bonne chance ! Nous nous retrouverons à votre retour pour une nouvelle interview exclusive sur cette expédition inédite. 

Merci Valérie. Un très grand merci à vous sans qui les actions « Guidon Givré » ne pourraient voir le jour : Christine Amour-Levar, Mélanie Audat, Jeanne Barbandière, Olivia Barbandière, Flavie Baudet, Guillaume Benski, Cassius, Aurélie Chamoret, Sophie Chandler Krgovic, Euryale Chatelard, Valérie Chèze Masgrangeas, Magalie Conter, Thomas D’Aram, Florence D’Avion Bérangère de Grandmont-Bernard, Carole Droguet, Mireille Durin, Laurence Fulla Oller, Amélie Giboin, Charlotte Gomart, Elisabeth Gorodkov-Goutierre, Salvina Grenez, Sophie Grimbert-Tweed, David Henderson-Stewart , Laurence Kurchakov-Chardiny, Irina Kuzmina, Mariette Lapras, Claire Leprince-Mouchet, Vincent Le Strat, Magali Mabille, Quitterie Marque, David Masgrangeas, Amélie Maigne, Anne-Sophie Nival, Rachel Normand, Nathalie Paris, Emilie Ponson, Irina Raskina, Ainhoa Roux, Cathy Roux, Anne-Gaël Sauvage, Amélie Scotton, Stéphanie Sénéchal Tchetverikov, Valérie Simon, Dara Teleutsa, Isabelle Touyarou, Trevor Tweed, Elly Tzogalis-Corbaz, Florence Valverde, Catherine Zins, et mes amours Arnaud, Eugène et Augustine, 

ainsi que tous ceux qui ont participé en achetant l’une de nos photos, cache-cous ou qui m’ont tout simplement entourée de leurs conseils et ondes positives ! 

Interview menée et rédigée par Valérie Chèze, Le temps d’écrire, février 2020

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