La table glissante

La table glissante

Une toute petite nouvelle sur la vie qui va, sur le temps qui passe, les années qui s’enchaînent, quand la table devient soudain glissante. 

La vie passe vite. Son père le lui avait tou­jours dit et elle ne l’avait cru qu’à moitié. Et main­tenant, elle avait cinquante ans, elle y était, à cet âge canon­ique et elle se rendait compte qu’il avait rai­son. L’âge canon­ique, elle avait véri­fié la déf­i­ni­tion dans le dic­tio­n­naire. C’est l’âge min­i­mum de quar­ante ans, à par­tir duquel une femme peut entr­er au ser­vice d’un ecclési­as­tique. Bon, elle n’avait de toute façon pas prévu de s’enfermer dans un pres­bytère et quar­ante ans étaient loin. L’une de ses filles lui a dit un jour qu’elle en était à la moitié de sa vie. Non mais pas du tout, sa grand-mère avait 106 ans !

Ceci dit, il est vrai qu’elle con­statait chaque année lors des repas de famille — surtout ceux qu’elle n’organisait pas car chez elle, elle se plaçait où elle voulait – qu’elle glis­sait petit à petit de l’autre côté de la table. Elle se voy­ait en effet chang­er d’âge rien qu’en regar­dant à quel siège on l’avait placée. Toute petite fille, elle était tout au bout, là-bas, avec ses cousins, prête à s’enfuir dans le jardin dès le dessert englouti. Ado­les­cente, elle avait légère­ment glis­sé sur la droite, tou­jours avec ses cousins, et vu les ver­res se met­tre un peu sur leurs pieds et se rem­plir de vin léger. Jeune adulte, accom­pa­g­née de son petit copain, elle avait lente­ment dévalé vers les adultes, la troupe de ses cousins, cousines et pièces rap­portées tou­jours sur les talons, face cette fois-ci à de vrais ver­res bal­lon. Aujourd’hui, elle se retrou­vait comme par magie, d’un coup d’un seul, à l’autre bout de la table, grâce à Dieu tou­jours avec les mêmes cousins mais presque du côté des anciens, qui eux avaient vu leurs aînés s’en aller pour leur laiss­er la place…

Finale­ment vieil­lir c’est chang­er de place à table dans les repas de famille, se dis­ait-elle. La descente vers l’autre bout de la table n’était plus très loin. Elle devait trou­ver une solu­tion et vite ! C’était une ques­tion de survie. Car si elle ne s’était pas assise, si elle était restée debout, elle serait allée de groupe en groupe et elle aurait tour à tour eu cinq, dix, vingt, trente ou quar­ante ans mais cer­taine­ment pas cinquante !

C’était décidé, elle resterait debout ou n’accepterait que des apéros dina­toires, des buf­fets, des pince-fess­es, des cock­tails… pourvu qu’elle y croise une chaise ou un fau­teuil… sait-on jamais ! 

Valérie Chèze, juil­let 2020

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