Il est un phénomène que de nombreuses personnes ignorent : la « désorientation culturelle ». Je pensais que cela ne m’arriverait jamais mais elle m’a très vite prise dans ses filets ! J’ai pourtant le sens de l’orientation d’habitude. Mais il ne s’agit pas du tout de la même chose ! D’ailleurs ici avec les « Yandex » en tout genre, il faut vraiment être très fort pour se perdre.
Valérie Chèze, septembre 2017
Je viens aujourd’hui prendre de vos nouvelles. Cela me soucie un peu je dois vous dire. Je tiens une forme olympique en ce moment mais je commence à être une vieille routarde ici, avec ma cinquième rentrée ! Et je me doute que tout le monde n’en est pas au même stade. Si je vous croise aujourd’hui, je vais vous demander comment vous allez. La majorité va dire « oui très bien » mais une petite minorité osera timidement un « non ». Détrompez-vous cela survient parfois ! Et là, je marquerai un temps d’arrêt, je vous regarderai bien en face et vous demanderai ce qui vous soucie. Si tel est votre cas, ne passez pas les lignes qui vont suivre, elles vous concernent peut-être.
Il est un phénomène que de nombreuses personnes ignorent : la « désorientation culturelle ». Je pensais que cela ne m’arriverait jamais mais elle m’a très vite prise dans ses filets ! J’ai pourtant le sens de l’orientation d’habitude. Mais il ne s’agit pas du tout de la même chose ! D’ailleurs ici avec les « Yandex » en tout genre, il faut vraiment être très fort pour se perdre !
Je ne l’ai pas vu venir tout de suite ! Et pour cause, elle se cache bien au début ! A peine arrivée à Moscou, j’ai traversé une période semblable à une « lune de miel » : tout était nouveau, presque tout était beau, tout me semblait parfait, j’avais l’impression de rompre avec la monotonie des dernières années et de revivre l’année à l’étranger de mes études !
Puis soudain, insidieusement, la nostalgie des miens et de mon pays m’a pris à la gorge et au cœur. Tout ce qui était russe m’est devenu hostile : la langue, les courses, les plaques de gel, le froid et même les gens, qui semblaient n’en avoir cure ! Je n’allais tout de même pas rentrer en France quand même, nous étions à peine arrivés depuis 5 mois ! Cette petite crise allait passer j’en étais certaine ! On m’avait prévenue, j’avais lu des livres sur le sujet : cette désorientation – peur résultant de la perte de ses repères – était tout à fait normale ! Tous les signes que j’avais intégrés depuis l’enfance, qui m’avaient été transmis par ma famille avaient subitement disparu ici. Vivre en Russie me fatiguait et cela avait accentué mon sentiment d’anxiété, j’avais du mal à m’adapter et j’aurais tout donné pour retrouver un semblant de routine !
Je ne pouvais pas trop m’épancher auprès de mes proches de peur de les inquiéter ni auprès de mes amis en France, tant certains tendent à penser que la vie à l’étranger est forcément idyllique !
Un jour une petite virée à la grande poste de la rue МЯСНИТЦКАЯ m’a propulsé illico au plus bas de la courbe du moral. Je vous laisse la découvrir en lisant ce que j’avais écrit à cette période que j’avais intitulé « La ПОЧТА, grand moment de solitude » (« Les chroniques de Liera, une Corrézienne à Moscou ») : « Je suis allée jeudi dernier à la grande poste de Moscou qui se trouve non loin du Lycée Français. Une fois poussées les lourdes portes de bois, on se serait cru dans un hangar ! Je suis arrivée dans une salle remplie de colis : des clients en apportaient, des employés les triaient et les affranchissaient. Des vigiles somnolaient à l’entrée. La lumière était blafarde, l’ambiance glauque. J’ai un instant eu l’impression d’être figurante dans un film de Stanley Kubrick… Je me suis postée (c’est le cas de le dire) devant une employée, lui ai montré mes enveloppes et elle a continué à trier ses colis sans me parler… Imaginez ma réaction, je me suis sentie petite, minus, en un mot ETRANGERE… Devant ma mine déconfite, un brave monsieur m’a montré qu’il fallait en fait que je sorte et que j’aille dans un autre bâtiment. J’étais en effet entrée dans le centre de tri sans m’en apercevoir ! Un quart d’heure plus tard, les larmes aux yeux (oui, je l’avoue …), je suis enfin arrivée à destination et ai pris ma place dans la file d’attente.»
Enfin, le printemps est arrivé et, mon niveau de russe me permettant de communiquer un peu, j’ai commencé à récupérer. Des difficultés ont continué de surgir mais j’arrivais à en rire. Si je parvenais à rire de moi, c’était sûr, j’allais m’en sortir ! Voici ce que j’écrivais alors : « Ici le soleil a laissé place à la pluie mais le froid au redoux. Les semaines s’enchaînent à la vitesse de l’éclair et mon moral, en berne il y a quelque temps, est remonté de plus belle ! J’avoue me laisser un peu aller à la cyclothymie dans ce pays, sans aller je vous rassure jusqu’à un abattement profond dans un sens ni jusqu’à une euphorie dans l’autre ! Un jour tout est compliqué et j’enverrais bien tout valser ! Et le lendemain je suis repartie comme en quarante, pleine d’entrain, de dynamisme et d’espoir ! » Et cela m’arrive encore cinq ans plus tard !
Aujourd’hui, je suis de nouveau « bien orientée » ! J’ai la sensation d’être un peuplier qu’on a déraciné et replanté beaucoup plus loin. Et que ce peuplier aura eu besoin de temps pour reprendre racine et se tenir droit sur ce nouveau sol.
Mon environnement n’a pas changé mais je me suis adaptée à lui. Des voyages en province russe m’ont aussi permis de découvrir le pays. Paris n’est pas la France nous le savons tous et Moscou n’est pas la Russie non plus. Je suis définitivement une provinciale internationale ! Aujourd’hui, j’aime parler russe même si je manque cruellement de vocabulaire, j’ai plaisir à me promener dans les parcs même en plein hiver et arpenter les musées et les expos, j’adore visiter la ville, j’aime l’idée de me calfeutrer chez moi devant un thé fumant et un bon livre en regardant tomber la neige, je trouve les babouchkas attendrissantes et je me suis mise à la cuisine locale.
J’ai maintenant le sentiment d’avoir deux cultures. La première est bien ancrée, française, terrienne et solide car il ne faut jamais oublier d’où l’on vient et le rappeler à ses enfants de temps en temps, tant cette vie-ci n’est souvent pas la vraie vie. Ne pas oublier ses racines, sa famille et ses amis car eux ne s’en iront pas et vous retrouveront avec bonheur si vous n’avez pas changé. La seconde culture est russe, forcément, et elle ne demande qu’à s’enrichir.
S’il vous arrive de vous laisser aller à la mélancolie, laissez-vous désorienter un peu, attendez le passage de la vague et vous verrez, un sentiment de bien-être vous envahira de nouveau. Notre expérience à tous en ce moment est une chance que nous avons su saisir alors ДАВАЙ et profitons !
Valérie Chèze, septembre 2017
Oui, je prends rendez-vous car je veux en savoir un peu plus
Une première rencontre en visioconférence pour faire connaissance
et évaluer vos besoins.
Le temps d’un clic et j’écris pour vous !